Diderot disait « Il faut être enthousiaste de son métier pour y exceller »1. Aujourd’hui, on entend surtout parler du bien-être en entreprise. Doit-on penser que l’on excellera dans son métier si le cadre de travail est enthousiasmant ? Le Chief Happiness Officer est-il là pour vous ou pour la productivité de l’entreprise ? Que penser de cette injonction au bonheur au travail ? Quelques mots sur le bonheur au travail. Nous verrons ensuite en quoi le Chief Happiness Officer est une figure controversée, mais utile.

La Fabrique Spinoza2, think tank s’intéressant de près au bonheur du travail, suggère que 12 dimensions3 sont à garder à l’esprit. Parmi elles, on retrouve les « conditions de travail ». La dimension psychologique de ces « conditions », notamment nourrie par notre société qui se tourne de plus en plus vers le développement personnel, est aujourd’hui indiscutable. On ne compte plus les schémas du type « Un salarié heureux est X fois moins malade, moins absent, mais en revanche plus créatif, productif etc. » et les études en ce sens, à l’instar de celle menée par l’université de Warwick4. Alors comment engendrer ce sentiment de bien-être ?

Les initiatives propices à ce développement sont nombreuses. Les bureaux en eux-mêmes, la luminosité, l’installation des open-spaces, la présence de plantes vertes, d’une machine à café dernier cri etc. sont aujourd’hui la base. Ajoutons-y quelques apéros, le fameux babyfoot – on ne reviendra pas ici sur la controverse née il y a quelques mois à son sujet5 – les jus heatlhy, le cours hebdomadaire de yoga, les fêtes d’anniversaires, les soirées à thèmes etc. On est plus dans la récompense que l’on obtient sur des objectifs de performance, mais dans un cadre quotidien de travail censé donner des ailes aux collaborateurs.

A qui revient cette mission ? Un titre revient sans cesse dans les conversations : le Chief Happiness Officer. Qui est-il/elle ? un(e) « Jolly Good Fellow »6 ? Reprennons quelques annonces et voyons ce que les sociétés attendent de leur futur CHO : « premier sourire de l’entreprise », « commande des fournitures », « suivi des prestataires », « communication interne », « comptabilité courante », « vérifier que personne ne manque de rien ». Tout cela ne vous fait-il pas passer à un Office Manager attentionné ? Les deux titres sont souvent couplés. Mais ce nouveau titre n’est-il pas de la poudre aux yeux ?

Le but de cet article n’est pas de faire naître une controverse sémantique. Prendre en compte les attentes des collaborateurs est une bonne chose. Leur faire croire que le monde du travail est merveilleux et toujours rose à paillettes, est-ce vraiment utile ?


1. Diderot, Obs. sur la sculpt. Œuvres, t. XV, p. 314, dans POUGENS.
2. http://fabriquespinoza.fr/
3. http://fabriquespinoza.fr/wp-content/uploads/2014/11/les-12-dimensions-du-bien-%C3%AAtre-au-travail.pdf
4. https://warwick.ac.uk/newsandevents/pressreleases/new_study_shows/
5. Par exemple, voir ici : https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-161625-bonheur-au-travail-baby-foot-et-si-on-arretait-les-mesures-gadgets-2035926.php
6. https://www.ted.com/talks/chade_meng_tan_everyday_compassion_at_google?language=fr